Extrait du Mot d’accueil de Mgr Georges Gilson
Ora et labora.
Je vous connais surtout comme "labora", toute votre vie a été une vie professionnelle. "Labora" dans ce haut lieu que nous aimons bien qui est Notre Dame de Pentecôte. Mais en inscrivant jour après jour le "ora", prière, contemplation, la vôtre, Religieuses bénédictines, à qui nous confions jour après jour de nous donner, à nous qui sommes sur le champ du monde, jour après jour dans le haut lieu de ce quartier d'affaires de La Défense, de nous donner d'être des contemplatifs de Dieu. Dieu qui regarde chacune de ces milliers de personnes qui travaillent dans le secteur, qui les regarde d'un amour si fort qu'ils sont tous "glorieux" comme le Christ. "La gloire de Dieu est la vie des êtres humains….." Saint Irénée1.
Voila donc Jean, le disciple bien aimé et Marie, la mère du Seigneur, qui descendent de la colline du Golgotha ensemble, tristes certainement, silencieux sans doute, la main dans la main peut-être, ils rentrent chez eux, confiants l'un en l'autre, sur la parole de Jésus qu'ils viennent d'entendre, qu'il leur a adressée juste avant de mourir. (Jn 19,26-27) Ils se reçoivent l'un l'autre. "Suscipe me" dit Marie, "Reçois-moi", Jean le bien aimé, le préféré de mon fils, dans ta maison. "Suscipe me" dit Jean, "Reçois-moi" Marie, maman de mon ami Jésus. "Reçois-moi" dans ton cœur de mère, dans ton cœur de servante du Seigneur.
"Suscipe me Domine" "Reçois-moi Seigneur" va dire tout à l'heure Françoise, l'oblate du jour. Elle ne va pas dire "Recevez-moi mes sœurs, dans votre abbaye", Françoise ne sera pas moniale, sa maison n'est pas cette abbaye, mais elle sera oblate de ce monastère, elle est reçue aujourd'hui dans la famille bénédictine, dans la trace des chercheurs de Dieu, dans la foule innombrable de cette caravane de moines et de moniales qui ont choisi d'habiter la louange du monde pour en sauver la laideur. Habiter la louange du monde à partir de cette Abbaye de Limon, selon l'esprit de stabilité de St Benoit. On rayonne pour le monde entier, mais à partir d'un lieu précis où la louange est assurée sept fois par jour.
Histoire d'amour de Françoise avec l'Abbaye de Limon : c'est une vieille histoire, elle date de 1986, soit il y a 26 ans, quand son père spirituel de l'époque l'a envoyé ici parce qu'elle voulait faire une retraite. Elle a suivi sur une parole, elle ne savait pas où elle allait, un peu comme Abraham, elle cherchait, elle avait besoin de rééquilibrer sa vie, elle cherchait autre chose que la messe du dimanche, elle cherchait une vie communautaire, elle cherchait, comme elle dit, à ne pas « saucissonner sa vie ». Elle cherchait un équilibre entre la vie et le travail, ce qui est le désir pour chacun d'entre nous : concilier une vie familiale, une vie professionnelle et une vie chrétienne. Dieu frappait à sa porte. A l'époque, elle avait 49 ans, mariée, trois enfants, un travail passionnant et puis le temps passe. Elle a gardé des liens avec ce monastère et quelques 20 ans plus tard, en 2001, au prieuré bénédictin du Mesnil Saint Loup, au cours d'une session de rentrée de l'Equipe d'Animation Pastorale de Notre Dame de Pentecôte, dans sa chambre, comme dans toutes les chambres sans doute, il y avait un petit panneau sur lequel il était écrit : Pourquoi ne pas entrer dans la famille bénédictine et devenir oblate ? Ce petit panneau était dans la chambre de tous ceux qui étaient à cette session. Une y a prêté attention. Et commence alors pour Françoise dans la paix, cette fameuse paix bénédictine, le cheminement de ce que l'on appelle une vocation. L'affichette disait "Pourquoi ne pas", on passe ensuite souvent à : "Pourquoi pas?" Et la question, pas la plus terrible, mais la plus personnelle : "Pourquoi moi?" Et pour finir : "Pourquoi pas moi?" Elle était marquée en même temps par cette phrase entendue souvent dans les prières eucharistiques: "Je t'ai choisie pour servir en ma présence!" Maintenant Françoise formule son état d'esprit, son cheminement dans une phrase qu'elle m'a dite: "Etre au service du Seigneur dans la louange et au service de mes frères dans l'action." Un équilibre entre la vie de prière et la vie de travail et on retrouve le fameux "Ora et labora" monastique dont parlait le Père Gilson tout à l'heure.
Et j'arrive à ce qui nous rapproche du rituel d'Oblature : "Suscipe me Domine" "Reçois-moi Seigneur" "secundum eloquium tuum" c'est du latin, mais c'est comme cela que cela va être chanté : "selon ta parole" "et vivam" "et je vivrai". (Ps 118,116) Personnellement, il se trouve que le 14 juin 1956 et le 14 juin 1959, je chantais ce même "Suscipe me" dans l'église de l'abbaye de Saint Martin de Ligugé en grande allégresse. Ce Suscipe, c'est le cœur, le noyau dur, comme on dirait maintenant, du rituel que nous allons vivre, que nous célébrons en ce moment autour de Françoise et des moniales. Ce chant d'offrande avec la charte qu'elle a écrite, la charte d'Oblature qui sera posée sur l'autel de l'offertoire avec le pain et le vin de l'Eucharistie, avec le Ressuscité qui s'offre à ceux et à celles qui le désirent : "Suscipe me" "Reçois-moi" "et vivam." On ne peut pas oublier l’objectif : "et vivam". Tout ce cheminement, toute cette démarche, tout ce rituel, c'est pour la vie, c'est pour vivre davantage, pour vivre plus. Cela rejoint tout ce qui nous incite à la vie dans notre monde chrétien croyant, le Christ d'abord évidemment qui nous souhaite la vie en abondance. Se référant à Moïse sans doute, (Dt 30,19), recevant de Yahvé cette parole : "Je te propose la vie ou la mort, le bonheur et le malheur, choisis donc la vie!" Et pour réactualiser cette parole, cette interpellation de St Benoit qui y va très fort, quand il dit dans le Prologue de sa Règle : « Quel est l'homme qui veut la vie ?" quand il s'adressait à ceux qui voulaient embrasser la vie monastique. "Quel est l'homme qui veut la vie, qui désire voir des jours heureux ?" (RB Pr 15). C'est le sens profond de la vie monastique et de l'Oblature. Avec ces grands témoins, on est en bonne compagnie, on est là pour vivre plus, pour vivre mieux, comme le Christ. Avoir et donner un plus de vie comme lui. Une force sortait de lui ! Et à la fin de cette fameuse prière d'Oblature qui, moi, m'avait beaucoup marqué à l'époque, quand je la chantais quand j'étais plus jeune : "et non confundas me ab expectatione mea" "et ne me déçois pas dans mon attente" : ce que j'appelle le doute purificateur, le doute amoureux que connaissent bien tous ceux et toutes celles qui se mettent entre les mains de l’autre, entre les mains de Dieu. Doute que connaissent tous ceux et toutes celles qui s'engagent. Dans tout engagement, il y a cette parole et cette crainte terriblement humaine : "Ne me déçois pas !" Surtout, Seigneur, ne me déçois pas, ne me fais pas cela. Que je puisse rendre grâces toujours, quoiqu'il m'arrive !
Et je termine cette petite méditation par une phrase de Françoise elle-même, petite phrase synthétique, lapidaire, dont elle a le secret, nous le savons : "J'ai beaucoup reçu, maintenant reçois-moi !" " Suscipe me Domine"
Je voudrais d'abord vous dire combien je suis touchée de vous voir aussi nombreux autour de moi pour nous réjouir ensemble à l'occasion de mon engagement sur ce nouveau chemin de vie.
Je veux spécialement remercier le Père Gilson qui a bien voulu accepter de présider cette Eucharistie que nous venons de vivre, Maurice Bellot qui m'a accompagnée avec patience dans ma démarche, Michel Anglarès qui a quitté pour cette occasion sa toute fraiche retraite, et avec qui pendant 9 ans, nous avons fait l’expérience si riche de la coresponsabilité en Equipe d’Animation Pastorale, Bernard Audras avec qui je travaille depuis si longtemps en profonde communion de pensée et enfin Jean Leclerc, car, sans son accueil chaleureux et fraternel, ce jour de 1982 où j'ai poussé la porte du Relais Jean XXIII, je ne serai sans doute pas ici aujourd'hui.
Un grand merci à celles qui sont maintenant vraiment mes sœurs, Mère Abbesse en tout premier lieu, toute la Communauté et en particulier Sœur Marie-Claude qui m'a accompagnée pendant 2 ans sur le parcours d'Oblature, Sœur Mireille qui a pris le relais et dont l'accueil est toujours si attentionné dans les plus petits détails, Sœur Raphaëlle qui participe à l'élaboration de tout ce qui nourrit notre groupe d'Oblature, sans oublier Sœur Bénédicte qui, de la Maison du Père, doit partager notre joie.
Si nous vivons aujourd'hui ce moment, c'est aussi grâce à l'accueil fraternel qui m'a été fait il y a trois ans lorsque j'ai demandé à rentrer dans le groupe d'Oblature de Limon. J'y ai trouvé des frères et sœurs avec qui prier, partager la parole de Dieu, être en confiance pour cheminer ensemble à la suite du Christ. Des frères et sœurs à qui vous devez l’organisation de cette belle fête, ayant scrupuleusement obéi à la consigne qui m’avait été donnée de ne rien faire ! Merci pour tout !
A vous tous, amis de Notre Dame de Pentecôte et d'autres horizons, - je vous dis un grand merci pour tout ce que vous m'avez apporté de joies dans les relations amicales et fraternelles que nous avons eues et dans le travail effectué ensemble au service de la Mission vers ceux qui vivent dans le monde des affaires à La Défense. Je remercie aussi les absents qui m'ont témoigné de diverses façons leur amitié et m'ont assuré de leurs pensées et de leurs prières en ce jour.
Enfin je n'oublie pas Florence, ma fille, qui représente aujourd’hui ma famille plutôt dispersée et depuis quelques années bien diminuée par un lourd tribut payé à la maladie du siècle.
Merci encore et je nous souhaite une Bonne Année, en ce mois de septembre, mois de recommencement des activités pour nous tous. Qu’elle soit riche en rencontres, féconde et vécue dans la Paix et la Joie.
Ce magasin monastique propose les travaux des sœurs en même temps que les produits de nombreux monastères de France.